Avec Bernard Friot
Certains parents montrent peu d’enthousiasme pour le livre numérique : contrairement au livre papier, l’enfant l’utiliserait de façon passive, tout lui serait servi sur un plateau, mettant ses neurones au repos. L’écrivain Bernard Friot nous aide à démonter quelques idées reçues…
Lecture audio, animation… : “l’intérêt du livre numérique est qu’il peut solliciter trois sens chez l’enfant : la vue, l’ouïe, le toucher, souligne Bernard Friot. Il stimule donc la création d'associations mentales, qui sont la base du fonctionnement de l’imaginaire.” Les parents doivent bien entendu faire attention à ce qui est proposé à l’enfant. “Il faut que les outils disponibles sur un livre numérique soient utilisés à bon escient, pour des contenus riches, variés, émotionnellement forts”, précise Bernard Friot.
Avec les livres numériques, grâce à l’interactivité et à la possibilité d’intervenir sur le cours de l’histoire, l’enfant devient “lect-acteur”. Il découvre de nouvelles formes de narration, moins linéaires, et peut parfois participer lui-même à l’élaboration d’une trame narrative. Mais, encore une fois, les parents ont un rôle de prescripteur à jouer : “Les ajouts ne doivent pas interrompre le travail de construction de la trame narrative, mais au contraire le servir et le renforcer”.
Et si les livres numériques nous donnaient la possibilité de lire autrement ? Bernard Friot insiste sur la présence des pistes audio qui permettent de “lire avec les oreilles”. Or, en France, “contrairement à d’autres pays, le livre audio est peu développé”. Par ce biais, le livre numérique renoue avec la tradition de la lecture orale que nous avons un peu perdue au fil des siècles. Car, comme le mentionne Bernard Friot, “c’est un mode très ancien d’approche de la littérature et du savoir. Il faut se souvenir qu’à la Renaissance, les étudiants écoutaient leurs professeurs et devaient être capables de mémoriser ce qu’ils entendaient.” Il y a beaucoup de façons de lire. Le livre numérique est là pour nous le rappeler et nous inviter à goûter autrement cette expérience.
Le livre numérique n’en est encore qu’à ses balbutiements. Tout reste donc à inventer, tant du côté des auteurs que des lecteurs, pour se l’approprier. “Je crois que l’on est encore loin d’avoir exploré toutes les possibilités du livre numérique et découvert, donc, ses limites, estime Bernard Friot. Mais son usage doit être pensé dans le cadre d’une pratique globale, diversifiée de la lecture, et plus généralement dans le cadre d’un projet éducatif. L’intérêt du livre numérique est qu’il nous incite à repenser tout cela et à utiliser… notre imagination !”