Avec Julie Kuhn
Apprendre à lire est une découverte énorme dans la vie d’un enfant. Mais, parfois, le bonheur d’apprendre cède la place à l’énervement, voire au découragement. Pour Julie Kuhn, enseignante, les livres numériques ont plus d’un tour dans leur tablette pour négocier ce cap en douceur… et avec plaisir !
Beaucoup de livres numériques possèdent des fonctions audio. Au moment où l’enfant apprend à lire, c’est un avantage. “Il peut écouter le son et faire répéter le mot, souligne Julie Kuhn. Aujourd’hui, certains livres numériques lui offrent aussi la possibilité de s’enregistrer. Il peut donc ainsi se réécouter et prendre conscience de ses erreurs de lecture. L’outil numérique permet de se tromper sans regard désapprobateur : il est tout à fait indiqué dans ce que Stanislas Dehaene, psychologue cognitif et neuroscientifique, appelle ‘le retour d’information’. L’enfant va lire, s’enregistrer éventuellement, caler sa voix sur celle du narrateur, remarquer qu’il ne s’agit pas de la prononciation exacte du mot. Ne se sentant pas ‘sanctionné’, il va recommencer sans stress, qui est clairement un inhibiteur d’apprentissage.”
Sur de nombreux livres numériques, il est possible de grossir ou de diminuer les caractères du texte selon l’aisance acquise par l’enfant en lecture. “Au fur et à mesure de ses progrès, le petit lecteur va pouvoir diminuer la taille de la police”, note Julie Kuhn. Quel plaisir alors pour lui de constater qu’il est capable de lire des “petites lettres”, comme les grands !
“Dans une étude, Stanislas Dehaene mentionne que l’attention est l’un des quatre facteurs principaux de réussite de l’apprentissage, pointe Julie Kuhn. Or celle-ci est facilitée par le livre numérique. L’enfant est très concentré car captivé par les sons, les couleurs, l’attrait pour l’outil lui-même. Il se disperse rarement. Le neuroscientifique insiste également sur l’importance de l’engagement actif. Avec les diverses possibilités d’enregistrement, de réécoute dont l’enfant dispose avec l’outil numérique, il s’engage autant qu’il le souhaite dans un processus de lecture. Il n’a pas comme à l’école à attendre son tour en rêvassant ou en décrochant car d’autres élèves ânonnent à côté de lui…”
“Le livre numérique peut constituer une récompense après les devoirs, estime Julie Kühn. Un moment où il continue à apprendre… mais sans s’en rendre compte.” L’enseignante souligne la complicité qui se noue entre l'enfant et son livre numérique : “C'est un copain assez docile : il répète un mot quand on le lui demande, propose de recommencer quand on s’est trompé ou lance une petite musique par surprise…” Pour ceux qu’une méthode trop formelle rebute, au risque de les braquer, le livre numérique permet aussi d’aller vers la lecture sans trop de solennité.
L’enseignante cite, pour terminer, l’étude du professeur John Hutton, de l’hôpital pour enfants de Cincinnati, qui a permis de mettre en évidence par IRM que plus on lit d’histoires aux jeunes enfants, plus leur activité neuronale pendant la lecture de textes est dense. “La zone du cerveau impliquée dans la construction de sens avec les mots est particulièrement active chez un enfant auquel on a beaucoup fait la lecture… qu’elle provienne d’un livre papier ou numérique. L’équipe de John Hutton valide les deux procédés, pourvu que l’enfant soit exposé à la lecture.” Car oui, lecture papier et lecture numérique se complètent harmonieusement !